A Tel-Aviv, des dizaines de milliers de manifestants défilent contre le gouvernement Nétanyahou
Les manifestants se sont réunis samedi soir pour s’opposer à la nouvelle coalition formée par la droite, l’extrême droite et les ultraorthodoxes et pointer les risques de son projet de réforme judiciaire portant sur la démocratie israélienne.
C’est en scandant des slogans tels que « Démocratie, démocratie » que quelques dizaines de milliers d’Israéliens ont manifesté, samedi 14 janvier au soir, à Tel-Aviv. Ces derniers se sont rassemblés pour clamer leur opposition à la politique menée par la coalition au pouvoir de Benjamin Nétanyahou, dont ils craignent une dérive antidémocratique.
Aux alentours de 21 heures (18 heures en France), la place Habima, dans le centre de Tel-Aviv, était pleine et la foule débordait dans les rues adjacentes, selon des journalistes de l’Agence France-Presse sur place. De nombreux Israéliens étaient venus en famille, bravant la pluie sous une nuée de parapluie. En l’absence d’estimations officielles, plusieurs médias ont estimé à 80 000 le nombre de manifestants qui s’y étaient rassemblés, citant des « sources policières ».
Des rassemblements plus restreints se sont tenus simultanément à Jérusalem, où environ un millier de manifestants se sont réunis devant la résidence du président israélien, Isaac Herzog, et de M. Nétanyahou, selon les médias locaux, et à Haïfa, la grande ville du nord du pays.
Les manifestants ont répondu à l’appel d’une organisation anticorruption, autour de mots d’ordre appelant à « sauver la démocratie » et à empêcher « le renversement du régime » politique en vigueur en Israël depuis la création de l’Etat, en 1948.
Il s’agit de la manifestation la plus importante depuis le 29 décembre, jour de la prestation de serment du gouvernement alliant des partis de droite, d’extrême droite et ultraorthodoxes juifs.
Ce sont donc des partis du centre, de gauche et l’alliance des partis arabes Hadash-Ta’al qui ont appelé les Israéliens à se rendre dans la rue samedi, pour protester en particulier contre la réforme de la justice présentée le 4 janvier par le gouvernement de Benyamin Nétanyahou.
En l’absence de constitution officielle écrite, le pouvoir judiciaire est en Israël le seul en mesure de contrôler le gouvernement et de sauvegarder les droits individuels. Les critiques de la réforme que souhaite mettre en œuvre le nouveau gouvernement estiment qu’elle accorderait un contrôle illimité de l’exécutif sur la justice, mettant en danger la démocratie israélienne.
Le nouveau gouvernement a, en effet, inscrit au centre de sa politique la réforme du système judiciaire, afin d’autoriser le Parlement à promulguer des lois qui aillent à l’encontre des décisions de la Cour suprême, et ce à la simple majorité absolue.
Les manifestants dénoncent également la mise en cause de M. Nétanyahou dans plusieurs dossiers de corruption présumée. Outre les accusations de corruption, ce dernier, qui plaide son innocence, est accusé de fraude et d’abus de confiance, le tout dans trois affaires distinctes.
Diversité des revendications
A cette crainte pour la garantie d’indépendance du système judiciaire s’ajoutent d’autres mécontentements et peurs pour la démocratie israélienne. Ont ainsi pris part aux manifestations les opposants à la colonisation israélienne en Cisjordanie, territoire palestinien occupé, ainsi que les mouvements de défense des droits LGBTQ+, inquiets de la présence au gouvernement de ministres ouvertement homophobes.
Les pancartes brandies par les manifestants rendaient compte de la diversité des revendications : « Le temps est venu de faire tomber le dictateur », « Gouvernement de la honte », « Il n’y a pas de démocratie avec l’occupation », « Bibi ne veut pas de démocratie, nous n’avons pas besoin de fascistes à la Knesset », « Tu aimeras l’autre comme toi-même », écrit en hébreu et en arabe.
Parmi les orateurs devant s’exprimer devant les manifestants place Habima, figure l’ancien ministre de la défense Benny Gantz (centre droit) qui a appelé, vendredi sur Twitter, « l’ensemble du peuple israélien de gauche comme de droite à venir manifester pour la préservation de la démocratie israélienne ».
Le gouvernement le plus à droite de l’histoire du pays
De juillet 2020 à juin 2021, le mouvement dit « des drapeaux noirs » avait soutenu une campagne de contestation de longue haleine contre M. Nétanyahou pour exiger sa démission à cause des scandales de corruption auxquels il est mêlé.
Chef du Likoud, le grand parti de la droite israélienne, et détenteur du record de longévité à la tête du gouvernement israélien, M. Nétanyahou avait été chassé du pouvoir en 2021 par une coalition électorale hétéroclite qui n’aura finalement pas tenu un an.
Il est donc revenu, à la fin de décembre, à la tête d’un nouveau gouvernement, à l’issue des cinquièmes élections législatives conduites en quatre ans, dont les résultats témoignent du morcellement de la société israélienne et d’une dérive droitière.
Le nouveau gouvernement, composé de ministres venus de la droite conservatrice, de l’extrême droite et d’ultraorthodoxes juifs est ainsi le plus à droite de l’histoire de ce pays d’un peu plus de 9 millions d’habitants.
(c) 2023, Le Monde
https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/14/en-israel-des-milliers-de-manifestants-defilent-a-tel-aviv-contre-le-gouvernement-de-benjamin-netanyahu_6157903_3210.html#xtor=AL-32280270-%5Bdefault%5D-%5Bios%5D
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