En Ethiopie, une délégation gouvernementale s’est rendue dans la région rebelle du Tigré
Plus de deux ans après le début de la guerre, cette première visite officielle de hauts représentants fédéraux vise à « superviser » l’application de l’accord de paix signé le 2 novembre avec les autorités rebelles.
La délégation gouvernementale est emmenée par Tagesse Chafo, le président du Parlement (ici à Addis-Abeba en mai 2021). AMANUEL SILESHI / AFP
Il faut y voir une étape majeure dans le processus de paix du conflit meurtrier qui sévit dans le Tigré. Une délégation du gouvernement éthiopien s’est rendue, lundi 26 décembre, à Makalé, la capitale de cette région rebelle, pour la première visite officielle de hauts représentants fédéraux depuis plus de deux ans et le début du conflit.
Ce groupe d’officiels est venu « superviser l’application des principaux points de l’accord de paix » signé le 2 novembre à Pretoria entre les autorités dissidentes du Tigré et le gouvernement fédéral, a expliqué le service de communication gouvernemental.
Menée par le président du Parlement, Tagesse Chafo, la délégation comptait notamment le conseiller du premier ministre à la sécurité nationale Redwan Hussein ainsi que plusieurs ministres. Le directeur général de l’autorité en charge des routes et les PDG des entreprises Ethiopian Airlines, Ethio Telecom et Commercial Bank of Ethiopia, acteurs-clés de la restauration de services de base dont le Tigré est privé depuis plus d’un an, étaient également du voyage. Cette visite est, selon le gouvernement fédéral, « une preuve que l’accord de paix est sur la bonne voie et progresse ».
« C’est un grand chapitre », s’est félicité Tagesse Chafo : « Dans les discussions que nous avons eues, la réception que nous avons reçue et les moments que nous avons passés ensemble, il y a un grand espoir ». Le porte-parole des autorités tigréennes, Getachew Reda, a salué sur Twitter « une étape importante », avec des « discussions fructueuses » et « une compréhension importante ».
Arrivés à Makalé lundi matin, les officiels gouvernementaux et les dirigeants d’entreprises sont repartis en fin d’après-midi, a précisé à l’Agence France-Presse (AFP) Getachew Reda. « Mais des équipes techniques restent ici », a-t-il précisé.
Des dizaines de milliers de morts
Les combats au Tigré ont débuté en novembre 2020, quand le premier ministre, Abiy Ahmed, a envoyé l’armée fédérale arrêter les dirigeants de la région, qui contestaient son autorité depuis des mois et qu’il accusait d’avoir attaqué des bases militaires fédérales. Après deux ans d’une guerre qui a fait des dizaines de milliers de morts et plongé la région dans une profonde crise humanitaire, le gouvernement et les autorités rebelles ont signé le 2 novembre, à Pretoria, un accord de paix qui prévoit notamment un désarmement des forces rebelles, le rétablissement de l’autorité fédérale au Tigré et la réouverture des accès à la région.
Depuis, les combats ont cessé, de l’aide alimentaire et médicale arrive peu à peu, les rebelles ont annoncé avoir « désengagé » 65 % de leurs combattants des lignes de front, la ville de Makalé a été raccordée au réseau électrique national et la principale banque a annoncé la reprise de ses opérations financières dans certaines villes.
Mais les autorités rebelles ainsi que des habitants et des travailleurs humanitaires ayant témoigné auprès de l’AFP accusent l’armée de l’Erythrée, pays qui borde la frontière nord du Tigré, et des forces de sécurité et milices de la région éthiopienne de l’Amhara, jouxtant sa frontière sud, de nombreuses exactions sur les civils (pillages, viols, enlèvements, exécutions…). Ces deux forces ont prêté main-forte à l’armée éthiopienne durant le conflit mais n’étaient pas présentes aux discussions de Pretoria.
« Nous ne voulons pas d’une demi-paix »
Depuis la signature de l’accord, les représentants des autorités rebelles et du gouvernement se sont rencontrés à plusieurs reprises. Au terme de leur dernière réunion, jeudi, ils ont convenu d’un mécanisme de suivi du cessez-le-feu qui permettra également de recueillir les plaintes en cas de violations sur les civils.
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« Nous ne voulons pas d’une demi-paix, où une moitié [du Tigré] serait en paix et l’autre moitié tuée, massacrée et envahie », a déclaré lundi le chef du gouvernement tigréen, Debretsion Gebremichael.
Sur le plan humanitaire, malgré une amplification des opérations, l’aide alimentaire et médicale acheminée reste très inférieure aux énormes besoins. La guerre a déplacé plus de deux millions d’Ethiopiens et plongé des centaines de milliers de personnes dans des conditions proches de la famine, selon les Nations unies.
(c) 2022, Le Monde
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