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Pierrick Bonno

Haut-Karabakh: en fermant le corridor de Latchin, l’Azerbaïdjan fait pression sur les Arméniens

En 2020, un accord de paix mettait fin à six semaines de guerre dans le Haut-Karabakh, qui avaient permis à l'Azerbaïdjan de reconquérir plusieurs territoires. Aujourd’hui, Bakou maintient toujours la pression.


Un manifestant arborant le drapeau national arménien devant des casques bleus russes bloquant la route à l'extérieur de Stepanakert, capitale de la région autoproclamée du Haut-Karabakh en Azerbaïdjan, le 24 décembre 2022.© DAVIT GHAHRAMANYAN/ AFP


La neige recouvre le clocher d’une église qui surplombe toute la ville. Nous sommes à Goris, 20 000 habitants, à quelques kilomètres seulement de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Officiellement, la guerre du Haut-Karabakh est terminée depuis novembre 2020, mais il suffit de pousser la porte d’un petit hôtel pour comprendre que l’accord de paix n’est pas respecté. Anaït vit ici avec quatorze autres personnes déplacées. « Début décembre, on a dû quitter le Haut-Karabakh pour aller à l’hôpital à Erevan. Mon époux a une maladie des poumons, raconte cette Arménienne. Mais quand on a voulu rentrer chez nous quinze jours plus tard, la route était fermée. Alors, on a passé deux semaines à Erevan et puis le gouvernement nous a envoyé ici en attendant de pouvoir rentrer chez nous. »


Déjà des dizaines de milliers de déplacés en Arménie


Le 12 décembre, l’Azerbaïdjan décide de fermer le corridor de Latchin, la seule route permettant de relier l’Arménie au Haut-Karabakh. Depuis, plus personne ne passe et ceux qui sont restés là-bas sont victimes de pénuries de nourriture et de gaz. Selon Gheram Stepanian, l’objectif est clair : vider l’enclave de ses habitants. «Ce n’est pas un épisode isolé de la haine et de la politique criminelle de l’Azerbaïdjan. Le régime cherche à effrayer, intimider la population du Haut-Karabakh, explique Gheram Stepanian, médiateur arménien du Haut-Karabakh. Le but final de toute cette action criminelle, c’est de forcer les Arméniens à quitter leurs maisons. C’est une tactique très clairement identifiée, une politique très claire d’épuration ethnique. »


Ces nouveaux exilés du Haut-Karabakh viennent s’ajouter aux dizaines de milliers d’Arméniens qui ne sont jamais retournés chez eux après la guerre de 2020. Beaucoup ont choisi de s’installer à Erevan, la capitale arménienne. C’est le cas de Liane qui a fui son village, il y a deux ans et demi. Elle est aujourd’hui sans emploi, comme réfugiée dans son propre pays.


« Franchement, en ce moment, notre plus gros problème est de trouver un endroit où habiter, confie cette mère de famille. C’est dur de trouver un appartement à louer à Erevan. Et même quand on arrive à trouver, le prix est très élevé. On doit donc tout le temps changer d’endroit, car les propriétaires augmentent leurs loyers. Et puis, il n’y a pas assez de travail pour tout le monde. Au début, le gouvernement nous aidait, mais maintenant, c'est fini. »

Dans un local associatif de la capitale, des bénévoles en exil tentent de faire vivre la culture du Haut-Karabakh. Une dizaine d’enfants entonnent un chant traditionnel arménien. Arman n’a pas 10 ans et il se souvient encore du matin où il a dû quitter brusquement son village repris depuis par l’Azerbaïdjan. « Maman et Papa m’ont réveillé en me disant que la guerre avait commencé. On entendait déjà des bombes passer au-dessus de notre maison, se souvient l’enfant. Je me suis habillé en vitesse et avec toute la famille, on est parti sans rien prendre avec nous. Mon père nous a emmenés dans un autre village, chez son frère et il est parti combattre, poursuit Arman. Mais on n’était toujours pas en sécurité donc on est venus ici dans la capitale. »


Un député européen français en visite à Erevan écoute attentivement le récit du jeune garçon. Selon le LR François-Xavier Bellamy, la communauté internationale ne se mobilise pas assez pour les Arméniens du Haut-Karabakh. « Par notre silence, pendant la guerre du Haut-Karabakh, nous avons encouragé monsieur Aliev [le président azerbaïdjanais] et son régime à continuer leur offensive, explique François-Xavier Bellamy. En réalité, nous avons laissé croire que la violence peut l’emporter sur le droit et que la violence peut payer. Et je pense que c’était évidemment un précédent très dangereux, y compris quand on regarde ce qui s’est passé en Ukraine. »



Le député européen François-Xavier Bellamy a rencontré des habitants du Haut Karabakh bloqués dans le sud de l’Arménie et dans la capitale Erevan.© Pierrick BONNO / RFI


Le parlementaire français demande notamment à l’Union européenne de mettre fin sans délai au contrat de fourniture de gaz que Bruxelles a signé avec Bakou.


 

2023, RFI




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