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Nicolas Coisplet

L'"Indien du trou", symbole d'un "génocide qui reste à raconter" au Brésil

Cet Amérindien, suivi depuis 1996 par les autorités brésiliennes, a vécu pendant plus de vingt-cinq ans complètement isolé dans une portion de forêt amazonienne de l'État du Rondônia. Avec sa mort, le groupe dont il était le dernier représentant a disparu.


Une image de l'"Indien Tanaru" ou l'"Indien du trou", extraite d'une vidéo enregistrée en mars 2011 et rendue publique en juillet 2018 par la Funai. AFP.


Il était le "symbole de la résistance des peuples indigènes isolés" au Brésil, souligne l'agence brésilienne de journalisme d'investigation Agência Pública. L'"Indien du trou" ou "Indien Tanaru", comme il était parfois surnommé, a été retrouvé mort le 24 août dernier par des agents de la Fondation nationale de l'Indien (Funai), organisme quidéfend les droits des peuples autochtones au Brésil.


"Pendant plus de vingt-cinq ans, ce Brésilien extraordinaire, dont on n'a jamais connu le nom, la langue ou l'ethnie, avécu complètement isolé dans une portion de forêt [amazonienne] de l'État du Rondônia surveillée par la Funai", rappelle Agência Pública. Et ce "malgré d'intenses pressions exercées par des fermiers et des politiques pour mettre fin à la protection de son territoire, qui couvrait près de 8 000 hectares".


D'après O Estado de São Paulo, l'homme était surnommé "Indien du trou" en raison "des cavités qu'il creusait dans les endroits où il vivait". Âgé d'environ 60 ans selon des experts cités par le New York Times, il a été découvert dans son hamac, et est vraisemblablement mort de causes naturelles. Ses biens et ses outils ont été retrouvés à leur place et deux feux étaient allumés dans sa maison.

"Son corps doit être rendu à sa terre"


Depuis qu'elle le suivait, la Funai avait recensé 53 maisons de paille dans lesquelles l'indigène avait vécu, et qui"avaient toutes le même modèle", explique O Estado de São Paulo : "une seule porte d'entrée et un trou creusé à l'intérieur".


Il y a quatre ans, la fondation avait pour la première fois rendu publiques des images de cet homme, et expliqué que pendant les années 1980, "la colonisation anarchique, l'installation de fermes et l'exploitation forestière illégale au Rondônia avaient provoqué des attaques successives contre les peuples indigènes isolés", rappelle le quotidien brésilien. Et, selon la Funai, après une ultime attaque de fermiers en 1995, "le groupe de l''Indien du trou', qui ne comprenait plus que six personnes, a été réduit à lui-même".


Marcelo dos Santos, l'un des deux experts de la Funai à avoir découvert son existence en 1996, a confié à Agência Pública qu'il espérait que l'indigène serait enterré "là où il est décédé", et qu'un mémorial serait construit par l'État brésilien : "Son corps doit être rendu à sa terre, c'est une évidence. Son histoire est un jalon dans un génocide qui reste àraconter."


L'Amérindien avait refusé à plusieurs reprises un contact prolongé, rappelle Agência publica. Dans "l'équilibre délicat de la politique de non-contact", il n'a jamais parlé en présence des agents de la Funai, confirme El País América. Il aaccepté quelques graines et outils qui lui ont été laissés "pour améliorer sa qualité de vie", mais il lui est arrivé à deux reprises de tirer des flèches en direction d'agents de la Funai qui s'approchaient de lui, précise Agência publica : "Dans certains trous qu'il creusait dans la forêt, il avait l'habitude de placer des pics en bois, créant ainsi des pièges pour faire fuir les envahisseurs s'aventurant sur ses terres."


Selon le New York Times, la Funai a recensé quelque 114 groupes indigènes isolés au Brésil, mais l'existence de seulement 28 d'entre eux "a été confirmée". Le quotidien américain note par ailleurs que la nouvelle du décès de l'"Indien Tanaru" est un événement "triste" à lire dans le contexte actuel : le Brésil a vu ces dernières années la protection des groupes indigènes affaiblie par un gouvernement Bolsonaro "qui a donné la priorité au développement de l'Amazonie sur la conservation".

 

(c) Courrier International

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