Nicaragua : un rapport d'experts fait état de crimes contre l'humanité
Le Groupe d'experts des droits de l'homme des Nations Unies sur le Nicaragua a conclu dans un rapport publié jeudi que depuis les manifestations visant à obtenir des réformes sociales en 2018, « de graves violations et abus des droits de l'homme ont été commis, et continuent de l'être » dans cette nation d'Amérique centrale.
Photo Álvaro Navarro/Artículo 66 - Des milliers de personnes ont participé à des manifestations au Nicaragua depuis avril. Plus d'une centaine de personnes sont mortes dans des affrontements avec les forces de l'ordre.
Parmi les abus soulignés dans le rapport figurent « les exécutions extrajudiciaires, les détentions arbitraires, la torture, la privation arbitraire de la nationalité et du droit de rester dans son propre pays ».
Des crimes contre l'humanité
Les experts ont souligné que « ces violations et abus ont été perpétrés de manière généralisée et systématique pour des raisons politiques, constituant des crimes contre l'humanité de meurtre, d'emprisonnement, de torture, y compris de violence sexuelle, de déportation forcée et de persécution à motivation politique », et ont indiqué que la population « vit dans la crainte des actions que le gouvernement lui-même peut prendre contre elle ».
Ces violations et abus ont été perpétrés de manière généralisée et systématique pour des raisons politiques
Ils ont également souligné que les violations des droits de l'homme, qui se produisent depuis avril 2018, « ne sont pas un phénomène isolé, mais le produit d'un processus planifié de démantèlement de la séparation des pouvoirs et des garanties démocratiques et d'une forte concentration du pouvoir dans les figures du Président et du Vice-président de la République ».
Les experts ont ajouté que toute cette planification a conduit à la « destruction de l'espace civique et démocratique » et que « les hautes autorités du gouvernement ont réussi à instrumentaliser les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et électoral, à élaborer et à mettre en œuvre un cadre juridique visant à réprimer l'exercice des libertés fondamentales et à persécuter les opposants », dans le but « d'éliminer, par différents moyens, toute forme d'opposition dans le pays ».
Des exécutions extrajudiciaires « conjointes et coordonnées »
Le Groupe d'experts a également identifié un « recours généralisé et systématique à la détention arbitraire en raison de l'instrumentalisation du droit pénal et du système judiciaire pour persécuter, inculper et accuser des personnes de la population civile du Nicaragua, opposantes à son gouvernement ou perçues comme telles ».
Au cours de l'enquête, l'existence d'exécutions extrajudiciaires a été confirmée, « comme un modèle de conduite » mené « par des agents de la police nationale et des membres de groupes armés pro-gouvernementaux qui ont agi de manière conjointe et coordonnée », a déclaré l'experte Angela Buitrago.
Elle a ajouté qu'après les manifestations qui ont eu lieu entre la mi-avril et la fin septembre 2018, « le gouvernement a fait obstruction à tout type d'enquête sur ces décès et d'autres ».
En outre, le Groupe d'experts dispose « d'informations selon lesquelles des agents de la police et du système pénitentiaire national et des membres de groupes armés pro-gouvernementaux ont commis des actes de torture physique et psychologique, y compris des violences sexuelles et sexistes dans le cadre des arrestations, des interrogatoires et de la détention d'opposants », a déclaré Jan Simon, également membre du de ce groupe d'experts.
« Toutes ces actions sont possibles parce que l'État a été utilisé comme une arme de persécution contre la population. Pour accélérer ce processus, les autorités ont cherché à persécuter, criminaliser et éliminer toute voix d'opposition. Des milliers de défenseurs des droits de l'homme, de travailleurs d'ONG, de militants, de journalistes, de leaders étudiants, de personnalités religieuses et d'artistes, ainsi que les principaux dirigeants nationaux et territoriaux de l'opposition politique, ont été contraints de quitter le pays », a ajouté M. Buitrago.
La quasi-totalité des médias indépendants et des organisations de défense des droits de l'homme opèrent depuis l'étranger et, depuis décembre 2018, 3144 organisations de la société civile ont été annulées, soit près de la moitié des organisations enregistrées en 2017.
Recommandations
Les experts ont estimé, qu'après avoir documenté les abus, tant l'État nicaraguayen que la communauté internationale disposent des informations nécessaires pour agir et ont énuméré une série de recommandations à leur intention.
Les recommandations du Groupe d'experts au pays comprennent la libération immédiate de toutes les personnes détenues arbitrairement ; la fin de la privation arbitraire de la nationalité et de la déportation forcée parmi d'autres formes de persécution politique ; une enquête indépendante et approfondie sur les abus et les violations pour garantir la responsabilité ; la réparation et la non-répétition ; le respect du droit des victimes à connaître la vérité ; et la mise en œuvre de mesures législatives et de politiques publiques pour garantir les principes démocratiques et la séparation des pouvoirs.
Les recommandations à la communauté internationale comprennent l'engagement de poursuites judiciaires contre les responsables de violations et de crimes documentés, l'extension des sanctions aux institutions et aux individus impliqués dans des crimes et des violations, et la priorité accordée au respect des droits humains lors de la négociation de projets de coopération et d'investissement au Nicaragua.
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