« Ouïghours : mécanique d’un génocide annoncé », Eric Darbré analyse les rouages de la répression
Le journaliste d’investigation a recueilli les témoignages de victimes et de réfugiés ouïghours dans cinq pays d’Europe ainsi qu’en Asie centrale.
LCP
Le 9 décembre 2021 à Londres, le Tribunal ouïghour, instance indépendante composée d’experts et de juristes, a rendu un verdict inédit. Après plusieurs semaines d’auditions de témoins, il a confirmé l’existence d’un génocide en cours contre les Ouïghours, minorité musulmane et turcophone, dans le Xinjiang, en Chine. Une occasion historique d’agir avant qu’il ne soit trop tard. Une dizaine de Parlements dans le monde (France, Royaume-Uni, Belgique, Canada…) ainsi que le gouvernement américain ont reconnu ce crime. Pékin dénonce, de son côté, une « manipulation politique ».
« Si rien n’est fait, ce sera une faute historique »
Pour contourner la difficulté à enquêter au pays de Xi Jinping, qui plus est dans cette province à l’extrême ouest de la Chine, Eric Darbré, journaliste d’investigation sensibilisé à la question ouïghoure, qui a suivi de près la dégradation de la situation au cours de ces vingt dernières années, est allé à la rencontre de victimes et de réfugiés dans cinq pays d’Europe ainsi qu’en Asie centrale, à la frontière chinoise. Grâce au courage de ceux qui ont réussi à fuir et prennent aujourd’hui la parole - malgré le risque de représailles envers eux et les membres de leur famille restés sur place -, il décrypte les mécanismes d’un génocide qui, s’il se distingue de ceux perpétrés au Rwanda ou en Bosnie par l’absence de massacres à grande échelle, n’en correspond pas moins à la définition qu’en donne le droit international : une « intention de détruire, en tout ou en partie » le peuple ouïghour.
Tous témoignent en effet des arrestations de masse, disparitions, tortures, viols, des camps de travail, de rééducation (les enfants sont retirés à leurs parents dans la perspective de les « assimiler » à la culture chinoise), des avortements forcés, de la stérilisation des femmes… Autant de récits éloquents - recoupés avec les confessions d’un ancien policier du Xinjiang ou encore des vidéos tournées sur place - qui devraient mobiliser avec force les grandes démocraties. « Si rien n’est fait, explique l’anthropologue allemand Adrian Zenz [à l’origine des révélations sur la répression visant les musulmans ouïghours en Chine, NDLR], ce sera une faute historique. »
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